Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
UneTortue
6 juin 2009

Une plume dans le vent.

Nouvelle qui n'est pas de moi, mais que j'ai trouvé tellement bien que je vous la met ici. Elle a été écrite sous le pseudonyme "Petite Plume Sauvage". Retrouvez-là dans son contexte original ici.


Elle court dans la forêt. Elle s’écorche les genoux, en essayant de comprendre d’où sort cette colère qui lui soutire des larmes amères.
Pourquoi sa maman l’a-t-elle envoyée dans ce camp de vacances, dans ce pays où elle ne comprend pas un mot de ce qui se dit hors de la colo ? Pour voir un peu la campagne, changer d’air, s’ « ouvrir l’esprit ». Pourquoi les autres ne la laissent pas jouer avec eux ? Parce qu’elle est trop petite. Pourquoi est-elle trop petite ?
Les larmes coulent plus fort. Elle n’avait qu’à manger sa soupe, ses légumes, boire son lait.
Pourquoi ils ont fait la ronde autour d’elle en riant ?
Parce qu’elle a une trousse de toilette avec des nounours. Pourquoi ? Elle s’arrête pour sangloter. C’est elle qui l’avait choisie, exprès pour ces vacances.
- Hé, ça va ? Pourquoi tu pleures ?
Elle se retourne. Il a à peu près son âge, des cheveux noirs, bouclés, en bataille, qui lui tombent sur les yeux. Et il sourit.
- Viens, on va jouer.
Elle se lève, le regarde avec méfiance. Si c’était un piège ? Peut-être qu’ils l’observent tous, cachés derrière les taillis, prêts à l’humilier encore. Peut-être aussi que non. Elle ne l’a jamais vu à la colo. Pourtant il parle sa langue.
- Comment tu t’appelles ? elle lui demande.
- Yoakim. Allez, viens, je connais la forêt, je vais te montrer où trouver des scarabées dorés. Ou alors, on ira cueillir des coquelicots au bord des rails.
Elle le suit. Il lui montre les arbres et les oiseaux, elle lui apprend des chansons. Il grimpe plus haut, elle court plus vite ; ils rient aussi fort l’un que l’autre.
Elle court dans la forêt. Elle s’écorche les genoux, sans chercher à savoir d’où vient la joie qui l’entraîne. Yoakim court à côté d’elle en poussant des hurlements de sioux. Elle a un coquelicot dans les cheveux.
Une voix d’adulte les arrête.
- Que fais-tu ici ? Ce n’est pas un endroit pour jouer. Et tu n’as pas le droit d’aller seule dans la forêt.
Elle sent la colère et les larmes amères remonter. Je ne suis pas seule ! Je suis avec Yoakim !
- Avec qui ?
Elle se retourne.
- Yoakim ? Yoakim ! Yoakim !
- Tu ferais mieux de jouer avec tes camarades, plutôt que de t’imaginer des amis, ma puce. Viens, on rentre maintenant. Tout le monde s’inquiétait.
- Yoakim !
- Allez, viens maintenant.
Elle marche dans la forêt de hêtres qui a donné son nom à la ville d’Allemagne où elle passe ses vacances, pour retourner à la colo. Pourquoi ce n’est pas un endroit pour jouer, ici ?
Le coquelicot se prend dans une branche, reste en équilibre quelques instants, avant qu’un coup de vent le fasse tomber sur une plaque de métal oubliée depuis un demi-siècle.
Si elle avait fait attention, elle aurait lu : «Jedem das seine. Buchenwald, 1941 ».

Yoakim ?

Publicité
Commentaires
P
Yep, mais en hommage à son propriétaire, j'ai mis une plume.<br /> En plus, il étais moche, ce rail.
W
Je l'ai déjà lu grâce aux liens que tu avais mis dans Thierry nous doit 100 francs. Et la photo était un rail si je me souviens bien.
Newsletter
Publicité
Publicité